L’absence de la notion de consentement dans la loi n’explique donc pas à elle seule le peu de condamnations.
Subsiste encore, et malgré tout ce que l’on sait aujourd’hui sur les effets de la sidération sur les victimes, l’image du viol qui ne peut être commis qu’avec violence. La notion de contrainte n’est prise en compte que dans son aspect physique, comme si la contrainte morale n’existait pas.
Le comportement des agresseurs est trop peu scruté
Ce sont les stratégies mises en place par les agresseurs qui sont encore trop peu étudiées. Celles mises en place en amont : insister, profiter de l’alcoolisation d’une femme, intimider. Celles réitérées visant à la coercition : surveiller, faire du chantage, etc. Et puis il y a les stratégies que les hommes mettent en place pour se défendre. En s’appuyant sur l’idée que juridiquement seule l’intention de violer viendrait démontrer le caractère de viol, les mis en cause expliquent alors n’avoir pas eu conscience de violer et bien entendu n’en avoir jamais eu la volonté. Ce qui conduit inévitablement à cette question tournée vers la victime : « Aurait-il pu penser que vous étiez consentante à ce moment-là ? ». La notion de « viol par négligence » en Suède vient tenter de pallier cette difficulté mais devrait aussi faire l’objet de débat.
Le viol est encore trop peu considéré comme une violence intentionnelle et les hommes qui commettent ces violences sont rarement questionnés dans leurs comportements sexuels « ordinaires » durant l’enquête. Or, il faut remettre les crimes sexuels à leur place : ce sont des outils de domination utilisés par des hommes qui ne s’empêchent rien.
Se mobiliser ensemble pour tout changer
Si introduire la notion de consentement pourra peut-être constituer une victoire symbolique, pour que le viol soit plus reconnu et que les victimes soient reconnues comme victimes, il ne s’agira pas seulement de modifier la loi mais il faudra aussi transformer l’ensemble de la société, en particulier pour se débarrasser de tous les éléments qui constituent la culture du viol. Il faudra des moyens pour la prévention, pour l’éducation à la sexualité, pour déployer rapidement des lieux d’écoute et de recueil de la parole des victimes, mais aussi un accompagnement juridique et financier à la hauteur.
Et puis, il nous faudra nous battre pour parvenir à modifier en profondeur la société, il nous faudra construire un mouvement d’ampleur et massif contre les violences, pour une loi-cadre et pour une meilleure prise en charge des victimes.
Aurélie-Anne Thos