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Biodiversité : COP16, une fake news ?

Il paraît que la COP16 (avec le titre magnifique « Faire la paix avec la nature ») doit démarrer lundi 21 octobre pour se terminer le 1er novembre. Mais est-ce si sûr ? En effet, personne n’en a entendu parler.

Si ça se trouve, elle a été reportée d’un an, voire annulée… Car ni le journal Le Monde, ni Reporterre, ni Mediapart ne nous ont annoncé la nouvelle. Plusieurs hypothèses. La première, c’est une fake-news, elle n’aura pas lieu. La deuxième, elle aura lieu quand même. Eh oui, dans Le Monde de dimanche-lundi 20 octobre (la veille donc), la nouvelle est confirmée. Elle a bien lieu, en Colombie. Nous voilà rassuréEs.

Quels enjeux pour la biodiversité ?

Mais pourquoi une si faible couverture de presse ? Trois hypothèses. La première : il n’y a pas d’enjeu (donc pas la peine d’en parler trop tôt) car les problèmes de biodiversité ont été réglés lors des 15 éditions précédentes. Assez improbable au vu des annonces récentes. En effet, le rapport Planète vivante du WWF (9 octobre 2024) fait état d’un effondrement des populations de vertébrés sur la planète, tandis qu’une étude scientifique internationale (parue le 3 octobre 2024 dans la revue Science) indique l’ampleur et les conséquences des extinctions d’oiseaux imputables aux humains. Par ailleurs, « les rendements en France décrochent, alors que la recherche en amélioration génétique variétale continue de produire des variétés de plus en plus performantes, L’effondrement de la biodiversité entraîne une altération de la qualité des sols et une baisse de la production agricole », selon Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS, tenus en octobre 2024.

Sans compter que « l’artificialisation, c’est-à-dire des aménagements qui couvrent le sol et annihilent ses fonctions, va galopant en France : cinq terrains de foot par heure (même la nuit) ; 10 % de la surface agricole couverte durant les cinquante dernières années ; une tendance 3,7 fois plus rapide que l’augmentation de la population, qui fait de nous le plus mauvais élève européen », peut-on lire dans une tribune de scientifiques et élus ces jours-ci dans le journal Le Monde.

La deuxième hypothèse, c’est que la presse est aux ordres des capitalistes et donc cache volontairement les problèmes. Assez improbable aussi au vu des organes de presse cités ci-dessus.

Enfin, la dernière hypothèse ! Il n’y a pas d’enjeu concernant cette COP16 car tous les analystes savent pertinemment que ces conférences ne servent à rien. Ils n’ont pas, du coup, vu un grand intérêt à en parler. Honnêtement, ça pourrait bien être ça !

Des engagements… d’affichage

On a en effet bien compris qu’il s’agit de faire des promesses avec l’intention, surtout, ne pas les tenir. Ainsi des principales mesures prévues dans cette COP16.

Il s’agit d’abord de protéger 30 % des terres et des mers. Ici l’arnaque est manifeste. On affirme ainsi que 8,35 % des mers et 17,5 % des terres sont d’ores et déjà protégés. Ceci est un odieux mensonge. Il suffit en effet de décréter (sans aucune réalité scientifique) qu’un espace est protégé pour la biodiversité. Peu importe si ce n’est pas vrai. La France, dans le genre, a fait montre d’une hypocrisie sans pareille. Le ministère de l’Écologie (à travers toutes les appellations qui changent en fonction du contexte) affirme ainsi : « En France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer, la surface totale des aires protégées sur le territoire représente 23,5 % du territoire national et des eaux sous juridiction. »

Pourtant dans le même temps, l’Office Français de la biodiversité, dépendant de ce même ministère, reconnait que seuls 1,6 % est sous protection forte et qu’il faudra arriver à 10 % sous protection forte en 2030 (dans six ans donc).

Comment faire ? Facile. Dans la « Stratégie nationale biodiversité 2030 », édictée en 2022, on a tout simplement changé la définition du terme « protection forte » pour pouvoir y mettre n’importe quelle surface, et ainsi atteindre les objectifs, voire les dépasser, et en plus envoyer un fonctionnaire à la COP16 qui se fera applaudir en démontrant ainsi que la France est un bon élève.

Ensuite, il y les engagements financiers pour la biodiversité en milliards d’euros. Pour comprendre il suffit pourtant de lire le rapport WWF qui indique : « Chaque année, 6 400 milliards d’euros sont alloués à des activités qui alimentent la crise de la nature et du climat. En comparaison, 200 milliards seulement sont consacrés aux solutions fondées sur la nature, pour protéger et restaurer la biodiversité. On voit qu’à peine une vingtaine de pays ont présenté leur stratégie et que leur qualité est défaillante : les cibles ne sont pas chiffrées ni datées, les moyens alloués ne sont pas à la hauteur, certaines pressions humaines ne sont pas du tout intégrées. »

Et là, c’est encore plus simple : on dépense vraiment les 6 400 milliards pour détruire la biodiversité, on promet juste d’en dépenser 32 fois moins pour la restaurer, et de toute façon, on ne débloquera pas les 32 fois moins.

Et la France, encore une fois montre l’exemple : les ressources allouées à la stratégie nationale pour la biodiversité devraient être divisées par deux dans le budget 2025, présenté par le gouvernement Barnier…

Cinq mesures d’urgence

Nous, c’est vrai, on préfère penser à des VRAIES décisions d’urgence que l’on prendrait si on dirigeait le gouvernement français :

1. Stopper l’artificialisation du territoire. Actuellement 9 % du territoire métropolitain est artificialisé. Il ne faut pas dépasser 10 %. Pour cela, il sera nécessaire de s’assurer la maîtrise foncière publique des sols et de modifier les lois pour contraindre toute nouvelle construction à être en cohérence avec l’objectif.

2. Transformer la gestion de la forêt. La forêt en France métropolitaine, c’est 31 % du territoire. Elle est essentiellement privée (74 %), avec 3,8 millions de propriétaires, dont 200 000 possédant plus de 10 ha (représentant 68 % des surfaces). On ne pourra pas agir sans nationaliser ces grandes propriétés forestières. Et cela n’impactera que 5 % des propriétaires forestiers, même moins si on fixe la « barre » à 20 ha !

On passerait ainsi de 25% de forêt publique à 75 % (128 000 km²), soit une inversion des rapports, et ceci en n’impactant que 5 % des propriétaires… et pas les plus pauvres ! En fait la moitié de ceux-ci sont des « personnes morales », c’est-à-dire des grandes entreprises.

Via la gestion publique de la forêt devenue enfin possible, on pourra imposer la prise en compte de la biodiversité sur les domaines boisés, avec un projet induisant :

– 5 % de la forêt en réserve intégrale (on laisse la forêt vieillir, c’est le principe des zones en évolution libre). C’est l’équivalent de la superficie d’un département. On peut bien sûr aller jusqu’à 10 %. Il faut en discuter avec les forestiers, les associations, les scientifiques. En sachant que la notion d’ « espaces en évolution libre » ne concerne pas que la forêt publique, mais que des accords peuvent être passés avec les petits propriétaires forestiers, que des secteurs des réserves naturelles peuvent aussi être concernées.

– 15 % en vieillissement long (+250 ans).

3. Mettre en place une politique d’aires protégées, en classant en urgence 10 % du territoire en protection forte. Pour sauver la biodiversité, il faut commencer par préserver, gérer avec des moyens financiers réels, les « réservoirs de biodiversité ». Là où celle-ci est exceptionnelle et où se concentrent les espèces menacées.

Passer à au moins 10 % du territoire en protection forte effective suppose de classer ces territoires en réserves naturelles (le niveau le plus élevé de protection règlementaire). Avec l’arrêt des prélèvements de loisirs, donc de la chasse, dans ces réserves, une priorité effective à la préservation de la biodiversité, des moyens effectifs de gestion.

On peut ajouter qu’une réserve naturelle n’empêche pas les activités humaines et singulièrement l’agropastoralisme. Au contraire, des agriculteurs peuvent être associés à la gestion d’une réserve. Ils doivent simplement respecter la réglementation de la réserve et peuvent être rémunérés pour cela. Simplement, dans ces zones « réservoirs de biodiversité », les activités humaines passent derrière les impératifs de survie des espèces et des écosystèmes avec une gestion spécifique.

C’est faisable puisque l’inventaire est fait : 56 000 km² classés en ZNIEFF de type 1 (zones d’intérêt écologique floristique et faunistique), soit justement 10 % du territoire. Ces zones sont reconnues légalement comme abritant les espèces dites « patrimoniales ». Leur localisation est transparente puisqu’elles sont cartographiées précisément et à disposition des citoyens (sur le site de l’IGN, Géoportail).

Si l’on ajoute (mais les zones se recoupent en partie avec les ZNIEFF) les 71 000 km² du réseau Natura 2000, soit 13 % du territoire et les sites acquis par le Conservatoire du littoral, on voit bien que l’on peut prendre les décisions… quand on veut !

Pour classer en protection forte, il est nécessaire d’instituer un système de DUP pour la nature (déclaration d’utilité publique) qui permettrait de s’assurer la maîtrise foncière. Atteinte à la propriété ? Bien sûr, c’est du reste comme cela que fait l’État pour faire passer une autoroute ou construire une centrale nucléaire, un centre d’enfouissement de déchets radioactifs, un aéroport…

4. Réformer l’activité de la chasse. Pas de chasse le week-end et pendant les vacances scolaires, période de chasse (y compris celle de régulation) strictement limitée à 4 mois (d’octobre à janvier), protection de toutes les espèces dont le statut de conservation est défavorable (liste établie uniquement par les scientifiques indépendants du monde cynégétique), protection des prédateurs, interdiction de l’agrainage et de la chasse à l’enclos, interdiction de l’introduction de gibier d’élevage dans le milieu naturel et interdiction de la chasse dans toutes les zones sous protection réglementaire (réserves naturelles, parcs nationaux) : ces mesures sont indispensables afin de rendre compatible l’exercice de la chasse avec la protection de la biodiversité.

5. Changer le système agricole. La mise en œuvre des quatre premières mesures est une condition nécessaire mais pas suffisante pour enrayer la crise de biodiversité. Il faut agir en même temps sur 100 % du territoire et pas seulement sur les 10 % des réservoirs de biodiversité. Et pour cela, le premier enjeu est le changement de notre système agricole.

On a conscience que cela ne peut se faire en trois jours. Mais il est possible de construire un projet concerté avec les associations, les agriculteurs, organisé autour d’une agriculture paysanne en système de polyculture-élevage de petites superficies. Ce projet peut être monté en un an avec l’objectif de le rendre le plus rapidement possible effectif, en intégrant une seule contrainte, la nécessité de fournir l’alimentation aux citoyens du territoire. Point.

Cela veut dire 100 % d’agriculture bio, l’arrêt complet de la chimie agricole, la suppression de tout l’élevage intensif et cette partie systématiquement oubliée, l’interdiction de l’importation de produits agricoles ne respectant pas ces objectifs. On peut rappeler que les zones agricoles en France, c’est 50 % du territoire (2/3 en cultures, 1/3 en herbe).

Mais nous sommes mauvaises langues : la COP16 va atteindre un objectif affiché. Elle va faire déplacer 12 000 personnes en Colombie, pour faire un voyage touristique (c’est beau la Colombie et en plus en ces temps d’automne en Europe, là-bas on va pouvoir être au chaud), avec évidemment un impact climatique du déplacement et de l’accueil dont il vaut mieux ne pas parler, mais avec une réussite réelle : prendre la décision, très importante pour la planète, de faire un jour une COP17.

Frédéric Malvaud

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