Croissance molle au niveau mondial, défis environnementaux, lutte contre la pauvreté, prise en charge du grand âge… le marché serait en difficulté pour répondre à tous ces défis dans les prochaines années selon le FMI et la Banque mondiale. Le capitalisme à force d’enrichir les riches finirait-il par douter ? Pas vraiment.
La discussion parlementaire en France sur le budget le montre. Avec aplomb, Antoine Armand, le ministre de l’Économie et des Finances a déclaré le 21 octobre devant les députéEs que « ce n’est pas un budget d’austérité, c’est un budget qui est fait pour éviter l’austérité ». Contredisant ainsi les faits avec une proposition qui ne répondra en rien aux enjeux sociaux et écologiques.
Une forme de continuité
C’est surtout un budget qui ne remet pas en cause les politiques menées depuis des décennies de désengagement de l’État (voir article page 6 sur l’éducation), de privatisation, de démantèlement (voir l’article page 3 sur Sanofi), de cadeaux fiscaux aux entreprises qui conduisent ensuite à des licenciements comme dans l’automobile…
Exit pour l’instant le débat sur la loi immigration supposée mettre d’accord une partie de la droite et le Rassemblement national. L’ensemble des forces politiques a voulu modifier le projet de budget. Les députéEs ont déposé plus de 3 500 amendements sur le projet de loi de finances et sur le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) et lancé la discussion sur le report de la revalorisation des pensions de retraite.
Examiner l’ensemble de ces amendements pourrait conduire à dépasser les délais impartis, et c’est pourquoi la menace d’une utilisation (encore une !) de l’article 49.3 par le gouvernement pèse sur l’Assemblée nationale.
Un spectre dans l’hémicycle
Un autre spectre hante l’hémicycle et met au second plan le débat sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale, celui de l’abrogation de la contre-réforme de 2023 sur les retraites. En effet, dans le cadre de sa « niche parlementaire » du 31 octobre, le RN prévoit de soumettre au vote un texte d’abrogation de la (contre)-réforme des retraites.
La gauche est désormais confrontée à la question de voter pour ou contre. Le 16 octobre, une tribune parue dans Le Media avançait l’idée qu’« en votant cette loi, notre camp ne perd rien. Au contraire, il obtient le retrait d’une réforme qu’il a été le premier et le plus déterminé à combattre. Il évite aussi de tomber dans le piège de la fausse opposition que la Macronie et le RN tentent de construire [...] ». Tentant, en effet, même si l’avenir de la proposition de loi du RN au Sénat, au vu des rapports de forces, est très probablement écrit.
Le RN n’a jamais défendu les intérêts du monde du travail. Il n’a pas soutenu le mouvement social de l’hiver 2022-2023 contre la réforme de Macron, ni mis l’abrogation dans son programme des élections législatives de juin-juillet.
Son piège se referme sur la gauche. Si la gauche vote avec le RN, elle le légitime, et le RN peut se présenter comme un défenseur des travailleurEs. Si elle ne vote pas avec lui, elle sera accusée de trahir son camp.
Mobiliser toute la gauche
Comment, alors, aider le prolétariat et ses organisations à sortir de cette ornière, à défendre ses revendications et le programme du NFP tout en combattant le RN ?
Il ne peut y avoir de solution que par une campagne militante, unitaire, des organisations politiques, syndicales et associatives qui modifient le rapport de forces : se rencontrer pour discuter un plan de combat contre Macron et le RN ; diffuser un matériel unitaire qui se prononce pour la retraite à 60 ans, pour l’augmentation des salaires, pour des embauches, contre le racisme et contre le RN ; préparer une grève avec manifestation le 31 octobre pour l’abrogation et contre le RN.
Le débat sur le budget de l’État et le financement de la Sécurité sociale doit être pour les travailleurEs l’occasion de reprendre l’initiative, de défendre leurs revendications pour les services publics, contre la guerre et l’austérité, pour l’emploi.
Forte d’une mobilisation sociale aidant les classes populaires à reprendre l’initiative et à marginaliser le RN, la gauche pourrait alors voter le projet de loi présenté par le RN, sans faire la moindre concession politique à celui-ci, en montrant que le RN ne défend pas les classes populaires puisqu’il ne défend pas leurs revendications et qu’il cherche à s’attaquer de manière frontale aux plus fragiles, les personnes racisées, les LGBT et les femmes.
Comité de rédaction