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Ce que la percée ukrainienne de Koursk éclaire de la guerre...

Le coup d’éclat de l’Ukraine, le 6 août, la percée de ses forces armées dans l’oblast de Koursk, produit toujours son onde de choc. Dans les limites de cet article 1, on notera, avec Michel Goya, spécialiste reconnu des questions proprement militaires, que « les gains stratégiques sont déjà considérables et d’abord politiques » 2.

L’action de Koursk inflige un démenti cinglant aux tenants de la dynamique de la défaite, quasiment irréversible selon certains (Emmanuel Todd ou Pascal Boniface), dans laquelle seraient engagéEs des UkrainienNEs en recul, voire en débandade, sur le front. Elle vise à modifier les rapports de forces militaires, conditions mêmes de négociations. 

Les Russes ne progressent pas

Les UkrainienNEs se retrouvent certes dans une difficile position défensive sur la ligne de front, et l’avancée russe dans le Donbass est réelle. Mais elle se fait au prix de pertes exponentielles, dans une logique consommatrice de chair à canon inversement proportionnelle aux gains territoriaux. Les UkrainienNEs assument, eux, une tactique maîtrisée de défense des positions jusqu’à infliger le maximum de pertes à l’ennemi, en décrochant de quelques kilomètres vers des positions tenables dès que le coût humain devient trop élevé, et ainsi de suite. Et cela dans l’attente d’avoir tous les armements de leurs alliés leur permettant de repartir à l’offensive et de se retrouver en position de récupérer du territoire.

En fait, les Russes n’ont pas progressé de façon décisive sur le champ de bataille entre novembre 2022 et août dernier : sur seulement 1 030 km2, soit 0,17 % du territoire ukrainien d’avant 2014, incluant la Crimée et les autres territoires occupés (représentant 17,78 % de ce territoire national), selon le Mond3. La laborieuse poussée russe sur la ligne de front depuis plus de deux ans pâtit de la comparaison avec le gain de quelque 1 300 km2 obtenu par les UkrainienNEs au sud de Koursk en quatre semaines. 

L’emploi d’armes et d’équipements alliés n’a pas, comme c’était prévisible, provoqué la foudre russe sur les pays fournisseurs, et ceux-ci sont obligés de suivre. 

Affecter la société russe

Cette offensive prend Poutine au piège de ne pas vouloir jouer à 100 % la carte d’une guerre, dont, significativement, il ne veut pas dire le nom, qui l’obligerait, vu la résistance des UkrainienNEs, à une mobilisation générale. « Vladimir Poutine a finalement montré qu’il avait finalement plus peur des réactions internes à une mobilisation guerrière que des UkrainienNEs », selon Michel Goya.

La signification politique de l’incursion de Koursk est d’abord de chercher à produire ce que Poutine redoute, à savoir que la part protégée de la société russe soit enfin affectée par la guerre. Il s’agit aussi de remonter le moral de la population ukrainienne, cible depuis près de trois ans de crimes de guerre mais aussi de la destruction d’infrastructures essentielles face à l’hiver qui vient.

L’autre aspect important de l’opération de Koursk est le coup de force par lequel l’Ukraine a franchi ce qui est paradoxalement la seule vraie « ligne rouge » dans cette guerre. Paradoxalement, parce la ligne rouge est celle dont les alliés font profiter les Russes aux dépens des UkrainienNEs, par leur refus d’autoriser l’Ukraine à viser les sites sur sol russe où Poutine tient au chaud ses armes de destruction massive de l’Ukraine. Or, à Koursk, cette ligne rouge, sans être totalement effacée, a ­commencé à voler en éclats.

Bien des questions restent ouvertes : le recul et les ripostes russes diront quels seront les effets de la percée ukrainienne sur le front de Pokrovsk. Et les luttes sociales en Ukraine se poursuivent sur plusieurs fronts 4.

Antoine Rabadan

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