Le 24 mai à Blois, c’est une première : le Parti socialiste local rejoint une manifestation en solidarité avec la Palestine, en nombre et de manière visible. Deux jours plus tard, le 26 mai, c’est à Paris, au Trocadéro, que le PCF, EÉLV et le PS organisent un rassemblement commun.
Pour la première fois, ils parlent de « génocide », réclament la reconnaissance d’un État palestinien et appellent à une paix « immédiate et durable ». Le ton a changé. Mais cette soudaine prise de parole collective n’est ni spontanée ni locale : elle est nationale. Il s’agit avant tout d’un repositionnement de dernière minute pour être du bon côté de l’histoire… avant qu’il ne soit trop tard.
19 mois d’évitement et de compromissions
Ces prises de position ne traduisent pas un basculement moral, mais une réaction à un changement de climat politique. Elles surviennent après 19 mois de silence, de neutralité hypocrite, de condamnations équilibristes et de refus de soutenir la rue qui scandait « Israël assassin ». Pendant que des dizaines de milliers de manifestantEs bravaient les interdictions préfectorales, ces partis restaient aux abonnés absents. Aujourd’hui, ils tentent de se rallier à une dynamique qu’ils ont fui, voire combattue.
Dès les premiers jours du conflit, le PCF, EÉLV et le PS se rangent dans le camp du « en même temps », multipliant les appels creux à la « désescalade » et les condamnations des « violences de part et d’autre », refusant de désigner clairement la responsabilité coloniale et impérialiste d’Israël. À aucun moment, ils n’ont osé dénoncer le blocus, les bombardements massifs ou les livraisons d’armes françaises. Ils ont préféré adopter la posture de la « neutralité » qui, dans un rapport de domination aussi asymétrique, revient à prendre parti pour le camp le plus fort.
Leur attitude vis-à-vis du mouvement de solidarité avec la Palestine est tout aussi révélatrice. Alignés sur la logique sécuritaire de l’État, ils acceptent sans broncher la répression des organisations pro-palestiniennes. Ils dénoncent à tout-va une supposée complaisance avec le Hamas ou un antisémitisme des manifestantEs, criminalisant ainsi le mouvement de solidarité avec les mêmes mots que ceux du gouvernement et des sionistes.
Un revirement tardif et opportuniste
Le projet de l’opération « Chariot de Gédéon » est sans doute l’un des déclencheurs de ce changement chez la gauche institutionnelle. Cette offensive lancée par Israël en mai 2025 est un aveu clair de la volonté du gouvernement Netanyahou d’en finir avec la Palestine. Il s’agit d’un nettoyage territorial massif, accompagné de démolitions de quartiers entiers et de déplacements forcés de la population palestinienne.
Pour la première fois depuis le début du conflit, la gravité des événements devient impossible à relativiser ou à ignorer, y compris pour Emmanuel Macron. Sous la pression des images de destructions massives et de victimes civiles, et grâce au coup d’envoi donné par le président français, la gauche institutionnelle est autorisée à sortir de son silence. Leur soutien à la Palestine n’est ni stratégique ni constant : il est conjoncturel, soumis à la pression du moment.
Radu Varl