Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Après la présidentielle, où vont les extrêmes droites ?

Dimanche dernier, Marine Le Pen passe de 8 millions de voix au premier tour à plus de 13 millions de voix au second (41,5%), contre 10,5 millions en 2017 (33,9%). Elle annonce son « éclatante victoire », celle de la « véritable opposition » à Emmanuel Macron. La recomposition d'un « contre-pouvoir fort » ressemblant toute l'extrême-droite est loin d'être acquise. Mais Marine Le Pen le rappelle : « Enterrés, nous l'avons été mille fois... ». Ce nest plus, et depuis longtemps, une montée de l’extrême droite, mais bien linstallation dune force nationaliste articulant collaboration de classe et projet xénophobe.

Éric Zemmour compte bien être le centre de gravité de la « grande recomposition » que Marine Le Pen envisage. Cachant mal sa satisfaction, il constate que « c'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen » et profite pour réitérer son appel de l’entre-deux tours : créer « une grande coalition des droites et de tous les patriotes pour les prochaines législatives […] contre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ». Sébastien Chenu, qui jugeait déjà en 2018 « ringard » et « restrictif » l'appel à une union des droites, préfère une « union des patriotes », pour « ne pas se rétrécir ». Thierry Mariani, autre porte-parole du RN, ne croit pas « à une coalition de partis mais de candidats », s’interrogeant sur la forme qui rassemblerait « électeurs de Dupont-Aignan, Zemmour et même de Jean Lassalle ».

Quelle « opposition » ?

La stratégie d’implantation électorale du RN n’a pas été menée comme l’entendait Marine Le Pen. En manque de notables, le RN peine toujours à trouver des candidatures sérieuses. Reconquête mettra en avant ses cadres locaux, dont plusieurs anciens du RN-FN. Sa dynamique militante, avec plus de 120 000 adhérents, pourra lisser les conflits internes, mais pas avec l’allié potentiel, mené toujours par une dirigeante du nom de Le Pen. Cependant, arrivant en tête au premier tour dans 206 circonscriptions sur 577, Marine Le Pen est portée par une indéniable dynamique électorale. Deux cas de figures : un « bloc nationaliste » parvient à surmonter ses contradictions et se constituer comme une force d'opposition jamais atteinte à l'Assemblée nationale. Leurs appareils politiques se renforcent et tendent à laminer les voix alternatives d’opposition à Macron et son monde. Autre possibilité : malgré la dynamique électorale du RN et la dynamique militante de Reconquête, les députés du « camp national » ne forment pas un groupe parlementaire. L’opposition d’extrême droite, jouant sur un déni de démocratie, cherche à apparaître sur d’autres terrains. Hormis les sénatoriales (2023) et les européennes (2024), il faudra attendre la fin du quinquennat pour des élections locales (élections municipales en 2026). Les visées électoralistes du RN tombent à l’eau. La construction d’une opposition se jouera donc ailleurs, dans tous les cas.

« Le salut est possible en dehors de l’élection »

Jean-Yves Le Gallou, du comité politique de Reconquête, anticipe comment « le salut est possible en dehors de l’élection » : « continuer […] à déplacer la fenêtre dOverton. Et former. Former les cadres. Former les jeunes générations ». La « fenêtre d’Overton », concept à la mode dans la facho-sphère, désigne le niveau d’acceptation des idées. Ainsi, les auto-proclamés « lanceurs d’alertes » identitaires chercheront toujours les opportunités pour accentuer leur offensive idéologique, autour du « grand remplacement » et de la « remigration ». La dynamique militante de Reconquête, construite sur la présidentielle, devra s’incarner autrement. Un ancien de l’Alvarium (organisation dissoute en novembre) appelle « Génération Z » à ne pas persister « dans lillusion électorale ». En bref, il encourage à rejoindre ou créer des groupes locaux, sous l’influence de l'Academia Christiana, axés sur la formation intellectuelle, l’action sociale et culturelle, conçus comme des communautés et des contre-sociétés. De son côté, l’Action française organisait avec lÉtudiant libre (journal catho-conservateur), une table ronde avec la Cocarde (organisation étudiante où se côtoient des partisans de Marine Le Pen comme d’Eric Zemmour) et Génération Z, sur le thème « Quelles directions politiques pour la jeunesse après 2022 ? ». Tout ne se joue pas sur le terrain électoral. Avant les législatives, le prochain rendez-vous des extrêmes-droites concernera les courants extra-parlementaires et la jeune nébuleuse nationaliste violente, avec l’hommage à Sébastien Deyzieux (militant nationaliste mort en échappant à la police en 1994) et les célébrations de la « Fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme ». Dans quelle mesure une partie de l’extrême droite serait-elle tentée d’apparaître le prochain 1er mai ?

Un projet mystificateur

Au-delà des accords électoraux, se joue toujours à l’extrême droite, sur fond de confusionnisme ambiant, l’illusoire synthèse du vote bourgeois, catholique et conservateur, pour Éric Zemmour, et d’un vote populaire pour Marine Le Pen, celui des excluEs et des reléguéEs en tout genre, des outre-mers ou des communes péri-urbaines. Les forces d’extrême droite à l’œuvre chercheront à disputer leur hégémonie sur l'opposition aux politiques de Macron. Pour mystificateur que soit ce projet, c’est une donnée que le mouvement ouvrier ne doit surtout pas oublier dans ses réponses face aux crises. L’absence de perspectives unitaires de contre-offensive, articulant les questions du tournant autoritaire, du partage des richesses et des menaces nationalistes et racistes, reviendrait à leur laisser le champ libre.

Commission nationale antifasciste

Les commentaires sont fermés.