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Actualités nationales... - Page 83

  • Congés payés : La misère n’est pas plus belle au soleil...

    Les congés payés, le droit au loisir et à l’oisiveté sont une des plus vieilles et des plus importantes revendications du mouvement ouvrier. Gagné de haute lutte, le droit aux vacances est aussi un petit peu de temps que les travailleuses et les travailleurs reprennent sur leur aliénation quotidienne. 

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  • « Nous sommes désormais coutumiers du détournement de la justice à des fins de répression des mouvements sociaux »...

    Entretien avec Claire Dujardin.

    Des peines très lourdes sont tombées sur les personnes interpellées lors des révoltes dans les quartiers populaires à la suite de la mort de Nahel. Claire Dujardin, avocate au barreau de Toulouse et présidente du SAF (Syndicat des avocats de France), livre son point de vue.

    En tant que membre du SAF, comment juges-tu la circulaire Dupont-Moretti qui demandait début juillet une réponse judiciaire « rapide, ferme et systématique » face aux révoltes des quartiers populaires ? 

    Le Collectif Justice des Enfants, dont le SAF est un membre actif, a écrit au sujet de la circulaire du ministre de la Justice : « Le garde des Sceaux, désormais chantre de la surenchère sécuritaire, propose dans sa dernière circulaire du 5 juillet 2023 de pénaliser les parents dont les enfants commettent des délits en lien avec les émeutes, ou d’écarter la présomption de non-discernement des enfants de moins de 13 ans, présomption légale qui est pourtant l’un des acquis positifs du CJPM [code de la justice pénale des mineurs, NDLR]. En ces temps tourmentés, il ne fait manifestement pas bon rappeler la loi lorsqu’elle protège ».

    Depuis plusieurs années, et notamment lors des manifestations des Gilets jaunes mais aussi lors de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le ministère de la Justice s’immisce dans le travail de la justice pénale en donnant des instructions générales pour inviter les procureurs et les présidents de juridictions à faire preuve de fermeté et de rapidité dans la réponse à apporter aux poursuites des manifestantEs. Souvenons-nous aussi de la note du 12 janvier 2019 du procureur de la République de Paris qui préconisait de ne pas lever les gardes à vue même si l’infraction n’était pas constituée, ou encore de la venue de madame Belloubet au service de traitement en temps réel des procédures pénales du tribunal de Grande Instance de Paris. Ces immixtions de l’exécutif posent de réelles questions quant au respect de l’indépendance de la justice.

    Au lieu de rappeler que la justice est indépendante et doit faire son travail sereinement, au lieu de dénoncer les gardes à vue abusives en rappelant aux parquetiers qu’ils doivent veiller et contrôler les mesures privatives de liberté, au lieu de rappeler que la procédure pénale ne peut être détournée au service du maintien de l’ordre, au lieu de rappeler que les mesures pénales qui seraient adoptées à l’encontre des mineurs doivent être éducatives, le Garde des Sceaux se fait le serviteur de l’Intérieur. 

    Le nombre de comparutions immédiates est inhabituel. Comment la justice, fortement encombrée, a-t-elle pu répondre à un tel afflux ? À quel prix pour le personnel ? 

    Nous sommes désormais coutumiers du détournement de la justice à des fins de répression des mouvements sociaux. Cela n’est malheureusement pas nouveau, et Foucault le disait très justement, « la police est une instance de régulation sociale et de normalisation, et la justice fonctionne pour enregistrer officiellement, légalement, les contrôles de la police ». L’outil le plus efficace pour apporter une réponse rapide et ferme est la comparution immédiate. Cette procédure expéditive et brutale ne laisse pas le temps à la défense de se préparer et va juger sur des dossiers ficelés uniquement sur des constatations policières. Au SAF, nous dénonçons régulièrement et depuis de nombreuses années cette justice de classe et d’abattage qui ne traite principalement que de dossiers concernant des personnes pauvres, des personnes racisées, des étrangers et des manifestantEs désormais. Ainsi, à chaque mouvement social, les audiences de comparution immédiate se remplissent ou se dédoublent. Au détriment des autres services, le service civil notamment qui traite des litiges du quotidien, celui des affaires familiales, la justice pour mineurs, le service d’application des peines... 

    Les audiences se terminent à des heures indécentes, et les personnels de justice en sont fortement impactés. Dans le cadre des débats sur le projet de loi programmation de la Justice et durant les États Généraux de la Justice, nous avions ainsi fait le lien entre le manque d’effectifs et les choix faits de politique pénale. La justice manque cruellement de magistrats et de greffiers, surtout en matière civile. Or, des magistrats et greffiers sont de permanence sur des tableaux de roulement pour venir siéger sur les audiences pénales ou renforcer les équipes au pénal. Cela est le cas pour les comparutions immédiates mais aussi pour les cours criminelles départementales qui ont remplacé la Cour d’assises. Le rapport du comité Sauvé d’octobre 2021 l’avait souligné, le service civil est le parent pauvre de la Justice. Or, les mesures prises par le Garde des Sceaux dans le projet de loi en cours de débat et bientôt adopté ne viendront nullement apporter la réponse adéquate aux dysfonctionnements graves et importants du service public de la Justice. Il est donc impératif de prévoir plus de magistrats et de greffiers, et de revoir la politique pénale pour donner plus de moyens aux pôles civils des juridictions. Il est également essentiel de valoriser le travail et le statut des greffiers qui sont en ce moment en grève. La Justice est au bord du gouffre et loin d’être réparée. 

    Les peines de prison ferme semblent être nombreuses et lourdes, y compris pour des jeunes sans casier. N’y a-t-il pas une justice d’exception ? 

    De nombreux jeunes se sont retrouvés incarcérés, soit du fait de condamnations pénales à de la prison ferme avec mandat de dépôt, soit en détention provisoire dans l’attente de leur audience. C’est le résultat de ces consignes de fermeté du Garde des Sceaux et du battage médiatique autour des émeutes, la justice étant attendue pour rétablir l’ordre. Comme le dit très justement le Syndicat de la Magistrature, « ce n’est pas à la justice d’éteindre une révolte… L’autorité judiciaire pâtit, loi après loi, de la construction d’un ordre policier qui rogne sur les droits et libertés des citoyens, les prive de l’accès à la justice et empêche un réel contrôle judiciaire de la police, au nom de la sécurité ».

    La justice a posé un double regard sur ces jeunes : un regard de classe et de mépris face à des jeunes de quartiers, racisés et moins diplômés, et un regard moralisateur qu’on retrouve souvent lorsque des manifestantEs comparaissent devant le tribunal. 

    La seule réponse qui a pu être apportée est l’enfermement, car les lois françaises sont principalement tournées vers l’incarcération et que la culture de l’enfermement est forte chez les magistratEs. Le SAF demande d’ailleurs qu’un mécanisme de régulation carcérale soit mis en place pour stopper l’inflation. Or, ce n’est pas le choix fait par le Garde des Sceaux qui a décidé de construire encore plus de places de prison. Face à cette justice à deux vitesses, le SAF milite pour que les droits de la défense soient renforcés et invite les personnes concernées à se former sur leurs droits et s’organiser collectivement pour mieux se défendre. 

    Propos recueillis par la rédaction

  • De l’intérêt ou non du dialogue social...

    « L’acceptation d’une logique de dialogue social et civil, de partenariat et de gouvernance, réduit le salariat à un groupe d’individus ayant en commun une forme juridique d’emploi. Le dialogue et le partenariat sont porteurs d’une idéologie consensualiste incompatible avec la reconnaissance d’intérêt de classe du salariat ». Jean-Pascal Higelé, « Les Formes de la délibération interprofessionnelle. Le sens du dialogue », Sociétés contemporaines, 2012, n° 86.

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  • Avec Borne 3, la « marche forcée » va continuer...

    Emmanuel Macron s’est livré ce vendredi 21 juillet à un exercice périlleux en ouverture du premier Conseil des ministres du gouvernement Borne 3. Le discours en dit long sur la situation du pouvoir, après un remaniement communiqué de manière erratique la veille.

    En s’adressant en même temps à l’ensemble des citoyenEs et aux ministres, dans un discours oscillant entre politique générale et coaching ministériel, le Président a exprimé la difficulté de l’exercice du pouvoir.

    Il a pourtant « choisi la continuité et l’efficacité pour les temps qui viennent en réaffirmant avec clarté [sa] confiance à la Première ministre » et s’est félicité que le gouvernement ait « traversé les budgets, la réforme des retraites, des textes importants en matière d’énergie et d’économie et puis mis en œuvre la feuille de route des “cent jours” ». Il a affirmé un « cap est clair et simple : l’indépendance du pays pour consolider un modèle plus juste. »

    En clair, les actions engagées sur l’école, la santé, l’écologie, la réindustrialisation et le plein emploi, le travail et le chômage vont se poursuivre. On sait bien ce que cela veut dire en matière de cadeaux aux profits et à l’agriculture intensive, en matière de dérégulation du droit du travail, de pression sur les salaires et de casse des service publics. On a vu ! Il s’en félicite et annonce la suite. 

    Ainsi, « dans l’année écoulée, plus de lois sont passés qu’il y a six ans », a-t-il souligné. À trois reprises au moins, il s’est satisfait des avancées « à marche forcée »

    Après « En marche », nous voilà donc « à marche forcée », ce qu’indique d’ailleurs au plan politique la loi de la programmation du ministère de l’Intérieur ou le doublement du budget militaire dont une fois encore le Président s’est félicité, ou encore le contentement que la « justice [ait] su être implacable ».

    D’autant qu’on est prévenu, la rentrée sera sous le signe de la préparation d’un budget serré et de la préparation des échéances sportives de 2024. En attendant, les ministres eux-mêmes n’ont qu’à bien se tenir : « Il est attendu du gouvernement de le France d’être exemplaire », a rappelé Macron avant d’envoyer un petit tacle à la sortante Marlène Schiappa, sans la nommer : « Conformément à la Constitution, les ministres dirigent leur administration. Être ministre, ce n’est pas parler dans le poste. »

    Autrement dit, avec Gabriel Attal à l’Éducation, et Aurélien Rousseau à la Santé ou Aurore Bergé au ministère des Solidarités, avec ce gouvernement resserré autour de celles et ceux qui lui doivent tout, Macron se prépare à gouverner plus encore sous le signe de l’autoritarisme. 

    Plus que jamais, le mouvement ouvrier – syndicats et partis – doit s’unir autour d’un plan d’urgence parfaitement opposable à la politique de Macron à mettre en œuvre en l’imposant par la grève et par la rue, dans les entreprises et les quartiers !

  • L’extrême droite face à la révolte des quartiers populaires...

    Angers, Lyon, Chambéry et, de façon différente, Lorient ont été le cadre d’une mobilisation d’environ 150 militants d’extrême droite contre la révolte des quartiers populaires et le mouvement contre les violences policière qui peine à émerger. De telles actions ne s’étaient pas produite en 2005 et sont révélatrices de l’état des extrêmes droites aujourd’hui. 

    Une société de plus en plus violente, la perte de contrôle de la République sur des pans entiers du territoire, la guerre civile qui vient entre séparatistes islamistes immigrés délinquants et républicains sont les « constats » partagés par groupuscules radicaux… et jusqu’à la direction des Républicains (LR) 1.

    Une offensive politique contre l’ensauvagement qui prépare la guerre civile

    Face à ces « constats », les réponses varient. Le changement significatif côté RN est de se placer dans le cadre « républicain » en exigeant une répression féroce de l’appareil d’État et en renforçant les moyens d’action de ce dernier. Le discours est identique au mot près du côté de Reconquête, qui va néanmoins plus loin en proposant de donner un permis de tuer aux forces de l’ordre mais aussi aux commerçants face aux émeutiers. 

    Parmi les groupuscules, on trouve deux orientations. Celle pour laquelle il faut se séparer, prendre le contrôle de zones rurales, en France ou ailleurs, et laisser la société s’effondrer. Et celle qui se prépare à la guerre civile pour la mener et la gagner. Ces orientations politiques, portées y compris par LR et répétées en boucle dans les médias mainstream, notamment du groupe Bolloré, légitiment, préparent les actions violentes de la nébuleuse d’extrême droite. 

    Une nébuleuse fasciste violente qui se renforce mais reste groupusculaire

    Si l’action de la nébuleuse mérite d’être notée, elle reste faible : 150 militants dans 4 villes. À comparer aux milliers de jeunes qui ont participé aux nuits de révoltes. Si à Lorient et à Chambéry, ces actions ont conduit à des hospitalisations ou des arrestations d’émeutiers, à Angers il s’agit uniquement d’une confrontation en centre-ville avec des militants politiques, puis de la défense de leur local par des fafs qui n’ont pu que tenir leur position. Les deux nazis arrêtés après avoir percuté une voiture sur un parking de supermarché à Lyon illustrent une nouvelle fois que le « terrorisme » d’extrême droite est jusqu’ici le fait de demeurés…

    Il faut également souligner l’articulation entre ces actions et la dynamique en cours au sein des forces de répression. À Lorient, le commando est vraisemblablement le fait de militaires, sans que l’on sache s’il existe un lien avec un groupe d’extrême droite constitué. À Chambéry, les chasseurs alpins fournissent un nombre significatif de militants d’extrême droite, ce qui explique que ces derniers défilent au pas et entonnent des chants paras. Dans ces deux villes on a pu observer au moins une forme de bienveillance de la part des forces de l’ordre. On voit donc que parmi les forces de répression, il existe une tentation d’aller plus loin que les ordres et d’agir face à la guerre civile parmi des groupes militants. Ces convictions politiques peuvent également conduire à une certaine bienveillance vis-à-vis de l’extrême droite.

    Offensive de l’extrême droite

    Une offensive politique d’extrême droite est en cours qui a recomposé au-delà de ses rangs entraînant une partie de la droite et de la macronie, représentant aujourd’hui des millions d’électeurs. Cette offensive se place dans le cadre républicain, nouveau vecteur qui sert à cornériser ses opposants et donc la gauche, LFI en tête, qui est exclue depuis les dernières législatives. Sans qu’elle soit directement organisée, cette offensive politique nourrit une nébuleuse fasciste violente, dont les effectifs faibles croissent légèrement. En revanche, sa confiance, son audace et donc ses actions progressent elles plus rapidement. 

    L’ensemble du mouvement ouvrier — partis, syndicats, collectifs et associations — doit répondre à ces deux éléments, en menant une contre-offensive politique et en renforçant ses capacités d’auto­défense de façon à briser dans l’œuf la menace fasciste.

    Commission nationale antifascisme

  • La macronie en rêvait, la mairie du Blanc-Mesnil le fait...

    Dans les jours qui ont suivi le meurtre de Nahel par un policier et la révolte de la jeunesse des quartiers populaires, la violence de la répression policière et judiciaire a été accompagnée d’une avalanche de déclarations de guerre contre les parents, c’est-à-dire contre la population de ces quartiers. « Il faut être présent, sinon on n’est pas parents » (Macron, 30 juin), « Les parents qui ne s’intéressent pas à leurs gamins et qui les laissent traîner la nuit en sachant où ils vont aller […], ils encourent deux ans de prison ferme et 30 000 euros d’amende » (Dupond-Moretti, 1er juillet), « on ne laissera rien passer » (E. Borne, 2 juillet), « Il faudrait qu’à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles, une sorte de tarif minimum dès la première connerie » (Macron, 4 juillet).

    Des propos inspirants pour la mairie du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis. Thierry Meignen, membre du parti Libres de Valérie Pécresse, sénateur et principal animateur de la majorité municipale, livrait son analyse décomplexée : « J’en ai marre de cette poignée de petits connards qui ne sont pas tenus par leurs parents ». Et estimant les travaux de réhabilitation à 300 000 euros : « Je ne souhaite pas [que ces coûts] soient supportés par la population, ces gamins-là qui n’ont pas de cerveaux, ils paieront, les familles devront payer ». Et donc les enfants de ces familles seront excluEs « de toutes les organisations faites pour les enfants au moment des vacances d’été : centre de loisirs, départ en vacances avec la ville » et privés des « 3 000 billets d’accès aux bases de loisirs » attribués par la Région à la commune. Mais comme elle n’est pas à un paradoxe près dans sa prétendue volonté de défendre les intérêts de la population, la municipalité a fait afficher un peu partout : « Au regard de l’ampleur des dégâts causés lors des émeutes, "Beach Mesnil" est annulé cette année. Les équipements municipaux seront réparés avec les économies réalisées ». Cela signifie que la moitié des habitantEs de la ville, qui ne partent pas en vacances, ne pourront même pas bénéficier de ce cadre qui accueillait 2 500 personnes par jour les années précédentes !

    Pas de doute la « poignée de petits connards qui veulent troubler l’ordre public et pourrir la vie des Blanc-Mesnilois » dans le langage fleuri du sénateur, ce sont ceux qui mettent en œuvre les discours de plus en plus extrême-droitisés contre les jeunes et toutEs les habitantEs des quartiers populaires.

    Cathy Billard

  • Violences policières : riposter aux interdictions, construire ensemble les mobilisations...

    Avec la nouvelle interdiction prononcée contre la manifestation parisienne prévue samedi 15 juillet à l’initiative de la Coordination nationale contre les violences policières, ces derniers jours ont confirmé le cours liberticide suivi par le pouvoir macroniste après le meurtre de Nahel.

    Le 8 juillet, la manifestation initiée par le comité Vérité et justice pour Adama, était interdite d’abord à Beaumont-sur-Oise, puis à Paris. L’arrestation de deux animateurs du comité, dont l’un des frères d’Assa Traoré, la menace directe via un communiqué de la préfecture de police envers Assa Traoré, ciblée pour avoir appelé à se rassembler place de la République malgré l’interdiction… Tout cela ouvre la voie à une possible menace de dissolution du comité Vérité et Justice pour Adama.

    Fuite en avant liberticide et raciste contre les quartiers

    Après un courrier de Nunez menaçant, le préfet de police a suivi les desiderata exprimés par Darmanin et le ministère de l’Intérieur : « Nous considérons que les manifestations en lien avec les violences urbaines que nous avons connues doivent être interdites ». La manifestation prévue samedi 15 juillet a donc été interdite. Dans un dégueulasse renvoi dos-à-dos entre meurtrier et victime, après avoir interdit deux rassemblements en soutien au flic meurtrier de Nahel, Nunez devait se sentir autorisé à interdire l’expression des familles de victimes de violences policières… Odieux !

    Au niveau juridique, le référé liberté initié par les avocatEs de la coordination a été rejeté pour risque de trouble à l’ordre public, criminalisant de fait, avec une dimension raciste évidente, toutes mobilisations issues des quartiers populaires. Il a été rejeté en raison de l’absence de « forces de l’ordre » suffisantes pour encadrer la manifestation, si elle avait lieu… Selon la préfecture, policiers et gendarmes étaient mobilisés au même moment pour un concert de pop coréenne au Stade de France. Cela n’a pas empêché 25 camionnettes bleu marine — et les personnes qui vont avec — d’encadrer la place de la République au moment où aurait dû se tenir la manifestation…

    Un communiqué unitaire signé de différentes organisations syndicales, politiques, associatives, et de collectifs militants des quartiers populaires, est sorti le 14 juillet, communiqué qui dénonçait à juste titre « cette tentative de museler l’expression politique des quartiers populaires et la répression des mouvements sociaux et écologistes ».

    Avec les premierEs concernéEs, faire front !

    Les familles de victimes ainsi que les collectifs qui font partie de la coordination ont choisi de maintenir une conférence de presse qui s’est tenue à quelques dizaines de mètres de la place de la République, suivie d’un meeting appelé le matin même dans le 20e arrondissement en présence de près de 400 personnes. Les premierEs concernéEs, beaucoup de familles de victimes et membres des collectifs y ont pris la parole : Lamine Dieng, Souheil El Khalfaoui, Ali Ziri, Guaye Camara… Le comité Adama absent soutenait les initiatives de la journée, comme l’a exprimé Assa Traoré dans un entretien publié la veille dans Libération. Au-delà de la diversité des situations, elles et ils ont en particulièrement porté des exigences que nous partageons, à commencer par la suppression de l’article L435-1 du Code de la sécurité intérieure (qui autorise les forces de l’ordre à faire usage de leur arme lors d’un contrôle routier) et l’interdiction des techniques d’immobilisation (dont la dite technique du pliage, responsable d’asphyxie). Les mutiléEs, en particulier issus des Gilets jaunes, ainsi que les différents soutiens sont aussi intervenus.

    Le cadre autour de l’appel unitaire « Notre pays est en deuil et en colère »1 est un point d’appui pour construire la suite de la mobilisation. Réunissant tant des organisations issues du mouvement social, du mouvement ouvrier que des collectifs et représentantEs de quartiers, plusieurs réunions ont permis d’apporter la solidarité nécessaire aux organisateurs et organisatrices des mobilisations récentes contre les violences policières. Ce cadre permet d’envisager la perspective d’organiser rapidement à la rentrée des marches ou manifestations dans plusieurs villes.

    Contre la pression brutale du macronisme, contre la menace de l’extrême droite, répondre à l’appel de celles et ceux qui sont en première ligne contre les violences policières et le racisme est une nécessité. Faire front ensemble sera sans doute l’enjeu central de la rentrée.

    Manu Bichindaritz

  • 100 jours plus tard, l’urgence anticapitaliste plus que jamais d’actualité !

    Le 17 avril, en pleine mobilisation sur les retraites, Emmanuel Macron annonçait, lors d’une intervention à la télévision, « 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France ». Il promettait alors que « le 14 Juillet prochain [allait] nous permettre de faire un premier bilan ». 100 jours plus tard, les bilans sont là, et ils sont désastreux, à un point tel que Macron, dans un éclair de lucidité (?), a renoncé à s’exprimer le 14 Juillet. Et pour cause…

    Passage en force sur la contre-réforme des retraites, violences contre le mouvement social, énième projet de loi raciste, répression policière et judiciaire contre les révoltes dans les quartiers, poursuite de la fuite en avant anti-écologique et climaticide… La liste des brutalités du gouvernement est longue, et l’on ne parle même pas ici des annonces des nouvelles attaques à venir contre les conquis sociaux, entre autres une nouvelle offensive contre le code du travail. C’est cela l’apaisement selon Macron et les siens, et le moins que l’on puisse dire est que cela n’a trompé personne, malgré l’agitation du président et de ses ministres déterminés à passer à « autre chose » après la séquence de la mobilisation historique contre leur « réforme » des retraites.

    La crise est toujours là

    Dans un sondage publié par le Figaro le 13 juillet, on apprenait ainsi que 78 % des personnes interrogées estimaient que Macron avait « échoué » dans ses objectifs. Et ils et elles ne sont que 4 % à considérer qu’il a « tout à fait réussi » — on se demande au passage qui sont ces 4 %… Dans le même sondage, on apprenait que 65 % des personnes interrogées considéraient qu’Élisabeth Borne devait partir, de même que la plupart des membres du gouvernement, parmi lesquels Dussopt, Darmanin, Dupond-Moretti et quelques autres, à propos desquels les opinions négatives atteignent des records.

    Les sondages ne disent pas tout, loin de là, et nous ne sommes pas de ceux qui en tirent des conclusions politiques. Mais force est de constater que ces chiffres confirment ce que l’on a pu voir et ressentir ces dernières semaines : la crise de légitimité du pouvoir est loin d’être terminée, et l’obstination hallucinée de Macron n’a pas eu raison de la défiance vis-à-vis du gouvernement. La gouvernance autoritaire et antisociale permet peut-être d’avancer comme des brutes et d’imposer des contre-réformes, mais cela ne convainc personne et, tôt ou tard, la situation explosera de nouveau.

    100 jours pour quoi ?

    Les « 100 jours » de Macron sont aussi 100 jours durant lesquels se sont enchaînées les casserolades et autres perturbations des agendas des ministres et des diverses figures de la macronie, les mobilisations écologistes, par exemple contre le TGV Lyon-Turin, les révoltes dans les quartiers populaires contre le racisme et les violences policières, etc. Mais aussi 100 jours durant lesquels les « affaires » qui plombent un peu plus le gouvernement se sont succédé, à l’image de l’emblématique gestion du fonds Marianne, dans laquelle les lamentables agissements de Marlène Schiappa ont été révélés au grand jour.

    Le tout sur fond d’approfondissement de la crise économique et sociale, avec une inflation dont les conséquences continuent de violemment frapper les plus modestes, un développement exponentiel de la précarité que dissimulent mal les prétendus « bons chiffres du chômage », une crise du logement qui s’amplifie, les effets désastreux du réchauffement climatique, et une répression de plus en plus systématique de toute contestation. Et pendant ce temps-là les riches se gavent, nous méprisent, font sécession, sous les applaudissements et les encouragements du gouvernement.

    Urgence anticapitaliste

    Il faut être particulièrement irresponsable pour penser qu’une telle situation peut durer et se stabiliser, alors qu’elle est par essence instable et explosive. Et il faut faire montre d’une absence totale de lucidité pour ne pas voir que le cours actuel des choses, si la tendance ne s’inverse pas, est un véritable tapis rouge qui est déroulé devant une extrême droite qui ne se contente pas d’attendre son heure mais joue à fond sa carte d’alternative crédible et potentiellement plus « stable » — comprendre plus autoritaire et plus apte à mater la contestation. Et elle séduit de plus en plus, y compris du côté des grands capitalistes et de l’appareil d’État.

    Les « 100 jours » de Macron ne peuvent que nous convaincre qu’il y a urgence à ne pas se résigner, à s’opposer, à résister. Urgence à reconstruire les collectifs, les solidarités, les luttes, qu’elles soient locales ou globales, et les outils de défense et d’organisation de notre classe. Urgence face aux crises sociale, climatique, démocratique, qui ne pourront que s’approfondir si nous ne prenons pas nos affaires en main, sans penser que d’autres le feront à notre place. Urgence à revendiquer et à se donner les moyens de décider, nous-mêmes, des grands choix de société, et à s’organiser pour se débarrasser d’un gouvernement illégitime et dangereux, et imposer une rupture radicale avec ce système capitaliste mortifère.

    Julien Salingue