La reconnaissance de l’État de Palestine par la France est présentée comme un geste historique. Mais que vaut cette reconnaissance sans fin du génocide, de l’apartheid et de la colonisation ?
Lundi 22 septembre : « Journée historique ». Un concert de louanges accompagne la reconnaissance officielle de l’État de Palestine par la France — après la même démarche, la veille, par le Canada et le Royaume-Uni. La une de l’Humanité représente une Marianne avec bonnet phrygien et keffieh prenant dans ses bras une Palestinienne en pleurs. Les drapeaux palestinien et israélien sont exposés ensemble sur la tour Eiffel. Des dizaines de mairies célèbrent l’événement en arborant le drapeau palestinien.
Une reconnaissance tardive et hypocrite
On peut noter d’emblée l’hypocrisie d’un État qui, depuis deux ans, fait la chasse aux keffiehs et aux drapeaux palestiniens et où Retailleau, toujours ministre, interdit tout drapeau palestinien sur les mairies pourtant en lien avec une décision de son propre État. La palme revient cependant à la mairie de Paris qui, sans honte, met l’agresseur et l’agressé sur le même plan : le colonisé et le colon, la victime d’un génocide et son bourreau.
Plus de 140 pays reconnaissaient déjà la Palestine. Il ne s’agit donc pas d’une décision si courageuse, après deux ans de génocide. Et cette reconnaissance tardive ne doit rien à un génie visionnaire de Macron. Ce dernier est probablement guidé par son souci de laisser une empreinte internationale après la perte d’influence de la France. Mais il a surtout été contraint d’agir sous la pression de l’opinion publique et du mouvement de solidarité.
S’agit-il donc d’une décision historique positive ? Probablement… mais. Car il y a plusieurs « mais ». Et de taille.
Une reconnaissance fantoche, vaine et conditionnée
D’abord, il s’agit de reconnaître un État qui n’existe pas. Les accords d’Oslo ont créé le spectre d’un État en Palestine sans réel pouvoir, ne contrôlant pas son propre territoire, et dont tous les progrès étaient conditionnés à la « sécurité » d’Israël.
Ensuite, il s’agit de reconnaître un État sans reconnaître le génocide perpétré contre son peuple, sans mettre fin aux livraisons d’armes, sans imposer de sanctions. Depuis plusieurs mois, les communiqués de dénonciation s’enchaînent sans aucune action. Cette reconnaissance, sans effets concrets sur l’injustice que vit le peuple palestinien, est une manière de masquer l’inaction de la France et de couvrir sa complicité.
Enfin, il s’agit d’une reconnaissance sous conditions. Le projet franco-saoudien comporte plusieurs clauses conditionnant une reconnaissance effective à la sécurité d’Israël. Il impose la « démocratie » — en décidant d’avance et sans les PalestinienEs que ce sera sans le Hamas — et confie le pouvoir d’administration à l’Autorité palestinienne. Une démocratie décidée dans les chancelleries occidentales, en somme. (Lire à ce sujet notre article dans l’édition de la semaine dernière ).
Reconnaissance des peuples
Reconnaître les peuples, c’est d’abord arrêter la déshumanisation : ne pas laisser continuer le génocide et l’arrêter immédiatement est une priorité absolue. Les dénonciations ne suffisent pas. Il faut des sanctions contre l’État d’Israël, des arrestations – notamment interdire de vol Netanyahou et ses acolytes dans l’espace aérien européen. Arrêter les soldats franco-israéliens impliqués dans des crimes à Gaza. Mettre fin à l’impunité.
Reconnaître les peuples, c’est reconnaître leurs aspirations légitimes, leurs revendications et leurs organisations. En réalité, la reconnaissance actuelle vient entériner les « frontières » de 1967 et réaffirmer le soutien à Israël plus que reconnaître les droits du peuple palestinien.
Pour reconnaître les peuples, il faut soutenir leurs résistances et leurs luttes. En Italie — dont l’État ne reconnaît pourtant pas la Palestine — un appel à la grève générale en soutien à Gaza a donné lieu à une importante mobilisation le 22 septembre. Ce mouvement reconnaît le peuple palestinien. Bloquons tout pour Gaza !
Édouard Soulier