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NPA l'Anticapitaliste 06 et 83 : le blog - Page 2

  • Gaza saigne, Gaza vous implore à l’aide...

    L’occupant massacre une population d’orphelinEs, d’hommes amputés, de femmes aux existences écorchées, de vieillardEs ayant perdu enfants et petits-enfants.

    L’occupant bombarde une population qui, malgré tout, dans un formidable élan de vie, était en train de se relever, de reprendre pied, déterminée à faire sortir des décombres une Gaza aussi belle qu’avant.

    Ala’ Abu Hilal a perdu jeudi son fils, né sous les bombes il y a un an, et sa femme Afnan, enceinte de sept mois. « Avec ma femme et mon fils, nous sommes venus dans la zone humanitaire, pour être en sécurité. Je commençais ma vie. Nous construisions une famille. Oh, mon fils chéri, va au Ciel, tu y trouveras tout ce dont tu as besoin. Mohammed, c’était mon premier enfant. C’était une part de mon âme. Toute ma vie. Mon monde. Dieu m’a béni en me donnant cet enfant. Il l’a rappelé à lui.1»

    Peu importe la douleur de ce jeune père. L’occupant abreuve le monde de mensonges auxquels personne ne croit, mais nos médias les relaient, et nos dirigeants font semblant d’y croire. Ensemble, jour après jour, l’occupant, les médias et les gouvernements occidentaux falsifient le récit et ré-écrivent le droit international, parvenant à tailler sur mesure une exception israélienne à la loi.

    C’est ainsi que l’occupant, champion du monde toute catégorie en matière de violation du droit international, passe pour celui qui se conforme à la loi, tout en commettant un génocide. C’est ce qui explique que toute information donnée sur ce qui se passe en Palestine soit ponctuée par le point de vue des génocidaires. Nos médias continuent de donner systématiquement le dernier mot aux collaborateurs d’un criminel de guerre poursuivi pour crimes contre l’humanité, comme s’il n’y avait rien de plus normal au monde.

    Peu importe le témoignage du Dr. australien Mohammed Mustafa : « Nous avons travaillé toute la nuit. Les bombardements ont été incessants. Nous n’avons plus de kétamine. Nous n’avons plus de propofol. Nous n’avons plus d’antalgiques. Lorsque nous intubons des patients, ils se réveillent et s’étouffent car nous n’avons pas de sédatifs. Sept petites filles ont été amputées de la jambe sans aucune anesthésie. Les bombardements continuent. La pièce tremble encore. Je n’ai pas dormi. Il est 10 h maintenant, j’ai la tête qui tourne. Ce sont surtout des femmes, des enfants, brûlés de la tête aux pieds, membres manquants, tête manquante. Il y a là trois petites filles dans un lit, orphelines à présent. Leur père est mort après la pose d’un drain. Leur mère n’est pas arrivée vivante à l’hôpital, assassinée avec leur autre sœur. J’étais déjà ici en juin. Rien de cette intensité-là. Les cris sont partout. J’ai besoin de prendre 15 minutes. Je me sens horrible de les laisser, mais j’ai les jambes qui tremblent, la tête qui tourne2. »

    Peu importent les centaines de blesséEs qui affluent dans des hôpitaux démunis de tout. Peu importent les centaines de PalestinienNEs tuéEs en quelques heures par des criminels lâches devant un écran, bien à l’abri dans leur bureau blindé à cent kilomètres de là.

    Les mots magiques « Hamas », « islamistes », « terroristes » agissent comme des sésames qui permettent encore et encore de blâmer les victimes, de faire aux victimes le procès de leur propre génocide.

    La résistance palestinienne est coupable de s’en être tenue aux termes de l’accord de cessez-le-feu ; d’avoir proposé de déposer les armes dans le cadre d’une trêve de longue durée, de rendre tous les captifs immédiatement en échange d’un retrait de l’occupant, de laisser sur le champ le pouvoir à tout gouvernement d’union nationale.

    « Après avoir détruit le droit international, normalisé le ciblage des civils, bombardé les hôpitaux un à un, les écoles une à une, Israël détruit la diplomatie. Car quand vous signez un accord de cessez-le-feu pour le violer sans arrêt et en changer les termes, il n’y a plus de diplomatie », résume Husam Zomlot, ambassadeur de Palestine au Royaume-Uni3.

    Peu importe qu’à présent l’occupant annonce une « dévastation totale », promettant que « ce n’était qu’un début ». Peu importe que les États signataires de la Convention sur le génocide soient dans l’obligation de tout mettre en œuvre pour prévenir et stopper le crime de génocide.

    « Il n’y a pas d’autres cas où l’intention génocidaire ait été aussi évidente, aussi documentée, aussi prouvée, aussi clairement déclarée, encore et encore », pointe Francesca Albanese, juriste internationale4.

    Peu importe : l’Occident fait le choix de ne croire qu’aux mensonges de l’occupant, de ne pas prêter attention à son intention si clairement répétée ces derniers jours et que nous aurions tout lieu de prendre au mot. L’Occident fait le choix du colonialisme dans sa version exterminatrice5.

    C’est ainsi que le droit d’Israël de massacrer les PalestinienNEs continue de prévaloir sur le droit des PalestinienNes à ne pas se faire massacrer.

    Peu importe Ismail, 3 ans – qui venait de quitter Qarara avec ses parents et son petit frère pour dresser la tente à al-Mawasi, « zone sûre ». Ismail, avant de mourir, a eu le temps de voir sa maman Rasha, enceinte, serrant Amir, son bébé d’un an contre elle, être dévorée par les flammes, et son papa Muhammad se vider de son sang6.

    Les molles protestations de l’Occident sont comprises comme autant d’encouragements par l’État génocidaire. À raison, assurément. Comment l’occident peut-il justifier son inaction, alors que les moyens de pression sont si simples ? Comment peut-il continuer à vendre des armes à Israël, à l’accueillir dans ses salons ?

    Le droit n’est pas une option, c’est une obligation. La justice triomphera. Comme l’assure Craig Mokhiber, « Israël est incapable de se défendre devant les cours internationales, car là la propagande soutenue par l’Occident n’agit plus »7.

    C’est certain. Mais le temps de la justice n’est pas le temps de l’urgence des hommes, des femmes, des enfants livréEs aux bombes et au blocus génocidaire. Dans les tribunaux, Palestine vaincra. Mais ce sera trop tard pour des centaines de milliers de PalestinienNEs. Chacun à notre échelle, mettons-nous en travers du génocide, toujours et en tout lieu, et exigeons des sanctions.

    « Gaza saigne, Gaza vous implore à l’aide. Ne nous laissez pas seuls face à ces massacres »8 : répondons à l’appel de la résistance, immédiatement.

    Je voudrais terminer par une pensée pour Ella Abu Daqqa, née il y a trois semaines, retrouvée saine et sauve sous les décombres jeudi, plusieurs heures après le bombardement qui a décimé toute sa famille.

    Marie Schwab

    • 1. One year old among victims of Israel’s indiscriminate bombing of Gaza (vidéo), News Feed, Al Jazeera, 20 mars 2025. https://www.aljazeera.co…
    • 2. https://x.com/caissesdeg…
    • 3. On BBC News, Dr Zomlot says Israel destroyed diplomacy by breaching the Gaza ceasefire (vidéo), Palestine in the UK, 19 mars 2025. https://m.youtube.com/wa…
    • 4. Israeli strikes on Gaza kill hundreds, Francesca Albanese reacts | podcast (vidéo), Channel 4, 18 mars 2025. https://www.channel4.com…
    • 5. Le rapport de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies fait état du ‘‘crime d’extermination’’ dans son rapport remis le 12 mars. ‘‘More than a human can bear’’: Israel’s systematic use of sexual, reproductive and other forms of gender based violence since 7 October 2023, Human Rights Council, 13 mars 2025. https://www.ohchr.org/en…
    • 6. child in Gaza watched his mother burn alive. Then he died too. Tareq S. Hajjaj, Mondoweiss, 19 mars 2025 https://mondoweiss.net/2…
    • 7. Israel BREAKS Ceasefire With Human Rights Lawyer Craig Mokhiber & Palestinian Journalist Said Arikat (vidéo), Katie Halper, 19 mars 2025. https://m.youtube.com/wa…
    • 8. Do not leave ‘bleeding’ Gaza to face ‘massacres’ alone: Hamas, Al Jazeera up dates, 20 mars 2025, 11.00 GMT. https://www.aljazeera.co…
  • Quand des usines automobiles se reconvertissent pour l’armement...

    En Europe, le temps de l’augmentation incessante de la production de voitures est terminé. C’est notamment le cas en France où le nombre de voitures fabriquées était de 1,34 million en 2024, un total inférieur à celui de 1960, année pendant laquelle 1,5 million de voitures avaient été produites.

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  • Stop à la répression syndicale et du mouvement social ! Solidarité avec Ana !

    La vague de répression syndicale, orchestrée par les politiques répressives et pro-patronales du gouvernement d’Emmanuel Macron, frappe désormais une militante de la CGT, Ana Fernandez, dans le Loir-et-Cher. Loin d’être anecdotique, il s’agit d’un cas d’école de répression syndicale. Soyons solidaires d’Ana Fernandez !

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  • Agression antisémite du rabbin d’Orléans : Unité contre tous les racismes !

    Le NPA-l’Anticapitaliste s'associe nationalement au communiqué du NPA-l’Anticapitaliste du Loiret (45). Nous apportons toute notre solidarité au rabbin d'Orléans victime d'une agression antisémite et appelons à développer la lutte contre toutes les formes de racisme. L'ampleur et le dynamisme des manifestations antiracistes du 22 mars doivent être des points d'appui.

    Le NPA-l’Anticapitaliste 45 tient à apporter son soutien au rabbin d’Orléans suite à son agression, et affirme sa solidarité avec ses proches ainsi que toutes les personnes juives.

    Depuis la profanation de la plaque d’Olga Koch à Beaune-la-Rolande à l’incendie criminel contre la mosquée de Jargeau ; en passant par les propos racistes réguliers de Serge Grouard, les conférences de France Souveraineté, la négrophobie subie par Alphonse Kimberley au sein de l’US Orléans ou les stigmatisations des voyageurs chaque année lors du rassemblement de Nevoy ; un vent mauvais souffle sur le Loiret.

    Pour le NPA-l’Anticapitaliste 45, la lutte contre le racisme ne se divise pas.

    C’est pourquoi nous appelons à la mobilisation contre toutes les formes de racisme, dont l’antisémitisme et l’islamophobie, dans le prolongement de la belle manifestation unitaire du 22 mars.

    Il y a urgence à se mobiliser dans l’unité pour faire entendre un autre discours, celui de l’égalité des droits, de la justice. Celui d’un monde sans exploitation ni oppression

  • La chasse aux immigré·es : l’obsession du gouvernement...

    À peine un an après le vote de la dernière loi immigration, deux nouvelles mesures viennent de passer aux conséquences dramatiques pour les étrangères et les étrangers.

    Depuis fin janvier, c’est d’abord une circulaire prise par Retailleau qui vient durcir les conditions de régularisation des personnes sans-papiers. Alors que les possibilités de régularisation étaient déjà fortement réduites par la loi Darmanin, la circulaire fait passer de 3 à 7 ans la durée de présence minimale nécessaire pour déposer une demande et ajoute d’autres critères comme l’absence d’une précédente mesure d’obligation de quitter le territoire français (ce qui relève de l’exploit après sept années) ou la connaissance de la langue française. Les préfectures devront également évaluer le degré « d’intégration ». L’application de ces directives permettra de refuser net l’enregistrement des milliers de demandes qui relèvent pourtant déjà du régime de l’admission exceptionnelle au séjour — soit d’une procédure dérogatoire et arbitraire.

    Restriction du droit du sol

    Le 6 février, c’est un projet de loi proposée par les Républicains (LR) sur la restriction du droit du sol à Mayotte qui a été voté à l’assemblée, quelques semaines après que le cyclone Chido a dévasté une grande partie de l’île. Depuis 2018, le droit du sol s’applique déjà de manière restreinte à Mayotte. L’enfant qui souhaitait la nationalité française devait prouver que l’un de ses parents vivait sur le territoire français de manière régulière au moins trois mois avant sa naissance. Désormais, ce sont les deux parents qui devront prouver une résidence régulière et minimale de trois ans avant la naissance de l’enfant. Cela revient, de fait, a pratiquement abroger le droit du sol, comme Macron souhaitait le faire par révision constitutionnelle, projet finalement abandonné. L’application de cette loi ne fera que renforcer la détresse de milliers de jeunes qui ne pourront jamais sortir de la clandestinité.

    Logique coloniale et raciste

    La logique raciste et colonialiste qui prévaut à Mayotte sur l’accès à la nationalité française et qui y crée des « étrangers » est un véritable cheval de Troie de l’extrême droite depuis des années. Car au-delà de Mayotte et des départements colonisés, c’est le principe même du droit du sol qui est maintenant remis en cause par le gouvernement, en premier lieu par Darmanin, Retailleau et Valls. La fin de l’automaticité du droit du sol à 18 ans était déjà présente dans le projet de loi immigration amendé par le Sénat. C’était alors la première fois que cela était envisagé depuis Vichy. Avec la remise en cause du droit du sol, et comme cela était prévisible, les propositions censurées par le Conseil constitutionnel en décembre 2023 reviennent aujourd’hui à l’assemblée : la suppression du titre de séjour pour les étrangers malades, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement des prestations sociales à deux années de résidence régulière et même au-delà. Darmanin a annoncé vouloir interdire le mariage de personnes en situation irrégulière. Pour compléter le tableau, Bayrou veut proposer un grand débat sur « l’identité française ». Il s’agit bien d’une accélération raciste qui se déroule depuis la rentrée, seul moyen de survie du gouvernement. 

    Contre cette banalisation et surenchère raciste, nous devons construire la riposte et aux côtés des sans-papiers, des exilé·es et des étrangères et étrangers, la régularisation et la carte de plein droit, l’ouverture des guichets, pour la libre circulation et d’installation de toutes et tous ! 

    Louisa D.

  • Journée de la Terre...

    Depuis 48 ans, le 30 mars est pour tous les Palestinien.ne.s dans le monde la "Journée de la Terre". Une journée de lutte et de résistance contre la dépossession de leurs biens et de leurs terres, contre la colonisation israélienne, une journée de commémoration de la Nakba.
    Le 30 mars 1976, Israël a réprimé dans le sang une manifestation des Palestiniens vivant en Israël qui protestaient contre le vol permanent de leurs terres.
    La colonisation s'accélère, les expulsions se multiplient, la déportation est annoncée...
    Témoignons, protestons, affirmons notre solidarité avec le peuple palestinien !

    Samedi 29 mars à partir de 17 h 00,
    Nice, place Masséna.

  • L’actualité du Manifeste communiste...

    Cet article est issu d’une soirée du Centre d’études marxistes. Ces réunions visent à la fois un objectif d’autoformation et de réflexion critiques. Elles empruntent donc beaucoup à des travaux préexistants de camarades issu·es ou non de notre courant.

    Pourquoi lire, relire et débattre de ce texte de 1848 ? Il est le produit d’un endroit, l’Europe, et d’une époque, le 19e siècle, dans lesquels se développent le capitalisme et un mouvement ouvrier très divers. Il y a des traits communs en ce début du 21e siècle : l’absence de projet politique émancipateur porté par les masses, et l’éclatement des salarié·es, des organisations ouvrières. 

    Ce qui permet à ce court texte de garder dans ses grands traits une force et une actualité remarquables, c’est qu’il expose dans un style clair et flamboyant une nouvelle conception du monde, « le matérialisme conséquent étendu à la vie sociale, la dialectique, science la plus vaste et la plus profonde de l’évolution, la théorie de la lutte des classes et du rôle révolutionnaire dévolu dans l’histoire mondiale au prolétariat, créateur d’une société nouvelle, la société communiste »1 qui démontre sa pertinence pour comprendre la domination bourgeoise, les moyens d’agir pour construire une société émancipée, débarrassée de l’exploitation et des oppressions.

    Un apport fondamental

    Il est parfaitement résumé par Engels dans la préface à l’édition de 1883, écrite après la disparition de Marx : « L’idée fondamentale et directrice du Manifeste, à savoir que la production économique et la structure sociale de chaque époque historique qui en résulte nécessairement, forment la base de l’histoire politique et intellectuelle de cette époque ; que, par suite [...], toute l’histoire a été une histoire de luttes de classes, de luttes entre classes exploitées et classes exploitantes, entre classes dominées et classes dominantes, [...] mais que cette lutte a actuellement atteint une étape où la classe exploitée et opprimée (le prolétariat) ne peut plus se libérer de la classe qui l’exploite et l’opprime (la bourgeoisie), sans libérer en même temps et à tout jamais la société entière de l’exploitation, de l’oppression et des luttes de classes ; cette idée maîtresse appartient uniquement et exclusivement à Marx »2

    Les conséquences de cet apport sont considérables. Les classes sociales en lutte ne sont pas des institutions sociales « permanentes ». Elles sont le produit à chaque étape déterminée du développement économique, des modalités de la répartition des richesses et des formes de l’affrontement entre les classes. Tant la classe exploitée et opprimée que la bourgeoisie connaissent des évolutions, des ruptures.

    Les rapports sociaux en révolution constante 

    La bourgeoisie est le produit d’un long développement. Née au Moyen Âge, elle s’est développée sous la féodalité et dans quelques pays dont la France dans la colonisation, la traite négrière. Elle continue de se modifier en permanence car elle « ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, donc l’ensemble des rapports sociaux »3. D’où l’importance de l’analyse concrète de chaque situation. 

    Les débats actuels entre les différentes options capitalistes, la compétition entre les secteurs aux intérêts parfois opposés montrent l’actualité de cette approche matérialiste des classes sociales. La bourgeoisie qui domine le monde est bien autre chose qu’une somme de patrons et l’exploitation économique. C’est une puissance sociale qui organise la production, qui est en dernière analyse le produit de toute la société, et de ce fait domine, structure l’ensemble des relations sociales et l’impact de la société sur la nature

    Les Hommes et les femmes font leur propre histoire

    Affirmer qu’il n’existe pas d’essence humaine en dehors des rapports sociaux a des conséquences majeures. Les hommes et les femmes d’une période donnée, les formes de l’exploitation, des oppressions, l’histoire politique, les luttes, sont les produits des rapports sociaux.

    Dès lors que la société produit l’être humain, elle est en retour produite par son action ; les luttes, les révoltes des exploité·es et des opprimé·es modifient ces rapports sociaux. Par leur action, les hommes et les femmes font donc leur propre histoire. 

    Non pas que la révolution soit en tout temps et tout lieu possible. Mais rien n’est inéluctable. Dans chaque situation il n’y a jamais une seule possibilité : le processus historique concret dépend des luttes des dominé·es, de leur conscience collective, de leur organisation.

    La libération de chacun·e est la condition de la libération de toutes et tous

    Comme l’histoire n’est pas écrite à l’avance, il est possible de se débarrasser de l’exploitation et de l’aliénation en sortant du capitalisme dans lequel le travail vivant ne sert qu’à augmenter les richesses des possédants, il est possible de construire une société dans laquelle « le travail accumulé n’est qu’un moyen d’enrichir et de promouvoir le processus vital des travailleurs »4. Pour cela il faut abolir la propriété privée, car elle est l’appropriation de l’essence humaine. Lorsque Marx se déclare communiste dans les Manuscrits de 1844, il exprime magnifiquement cette idée force : « l’abolition positive de la propriété privée, l’appropriation de la vie humaine, signifie donc la suppression positive de toute aliénation, par conséquent le retour de l’homme hors de la religion, de la famille, de l’État, etc., à son existence humaine, c’est-à-dire sociale »5. Il y a bien, pour construire une société émancipée, un lien entre l’abolition de la propriété privée et la suppression de l’aliénation. 

    Il est frappant de voir à quel point le bilan des révolutions du 20e siècle le confirme. La propriété privée capitaliste a été abolie en Russie, en Chine, sans instauration du socialisme. Il ne suffit donc pas de prendre le pouvoir, de nationaliser les moyens de production pour produire mécaniquement une société émancipée. La transformation révolutionnaire de la société impose d’autres modifications, par la démocratie, l’auto-émancipation, pour instaurer une « association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous »6, définition toujours pertinente du monde que nous voulons construire.

    L’action communiste

    Mais pour abolir la propriété privée existante, en finir avec la bourgeoisie, il faut plus que des idées, il faut une action communiste.  

    Le prolétariat, la classe des exploité·es et des opprimé·es est potentiellement révolutionnaire, exprime le mouvement de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité, mais elle n’est pas mécaniquement victorieuse. Selon le Manifeste, « le premier pas dans la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante »7

    D’où la présentation du rôle des communistes qui « ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers […] n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat […] n’établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier »8, ils ne se distinguent qu’en faisant valoir les intérêts du prolétariat mondial, du mouvement dans sa totalité. 

    Marx et Engels combattent les sectes, ces courants qui ont comme raison d’être, non ce qu’ils ont de commun avec le mouvement, mais les « principes particuliers » qui les distinguent. En 1848, la Ligue des communistes est une fraction qui doit stimuler les autres. Lors de la fondation de la première Internationale en 1864, il n’existe plus d’organisation communiste, ils y militent sans organisation spécifique et combattent les sectes en son sein.

    Le Manifeste n’aborde pas la question cruciale du processus de construction de la conscience de classe, la conscience communiste, et laisse entendre qu’elle se produit naturellement. Ce point sera complété magistralement par Lénine, 54 ans plus tard, dans Que Faire qui précise le rôle des communistes : « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c’est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons. Le seul domaine où l’on pourrait puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et couches de la population avec l’État et le gouvernement, le domaine des rapports de toutes les classes entre elles »9.

    La prise de pouvoir politique pour arracher le capital à la bourgeoisie

    Le mode de domination capitaliste ne peut être renversé que par une révolution qui érige le prolétariat en classe dominante, et l’émancipation économique s’obtient par la conquête du pouvoir politique. Mais cela passe-t-il par la prise du pouvoir d’État existant ? 

    La Commune de Paris en 1871 va tout modifier. Dès le 12 avril 1871, Marx écrit « la prochaine tentative de la révolution en France devra consister non plus à faire passer la machine bureaucratique et militaire en d’autres mains, comme ce fut le cas jusqu’ici, mais à la détruire. C’est la condition première de toute révolution véritablement populaire sur le continent »10, position qu’il détaillera ensuite en affirmant que la forme politique de la Commune est susceptible d’extension.

    Postérité et limites

    Si les principes généraux du Manifeste gardent toute leur pertinence, dès les préfaces des éditions suivantes, Marx et Engels pointent les points qu’il faudrait revoir, logiquement, leur application dépendant des circonstances historiques. Cependant deux aspects nécessitent une réévaluation.

    La victoire inéluctable du Prolétariat ?

    Le Manifeste est péremptoire : « le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d’appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables »11. Cette idée que la victoire inévitable d’un prolétariat toujours plus nombreux avec des partis et des syndicats de plus en plus forts était omniprésente.

    Force est de constater que l’accroissement numérique du prolétariat à l’échelle mondiale ne se traduit pas automatiquement par une augmentation de la conscience collective et le mouvement ouvrier ne connaît pas une progression linéaire. Déjà la trahison de la Deuxième Internationale à l’entrée de la Première Guerre mondiale avait été un choc pour tous les marxistes révolutionnaires, et Rosa Luxembourg avançait dès 1915 une idée révolutionnaire : « socialisme ou barbarie »12. Un siècle après, avec les crises écologiques, cette notion prend une autre ampleur qui valide l’expression reprise par Michael Löwy : la révolution est le frein d’urgence13.

    La domestication de la nature ?

    Les formules du Manifeste sur la domestication des forces de la nature, l’utilisation de la chimie dans l’industrie et l’agriculture montrent que l’époque n’est pas à la prise en compte des dégâts du productivisme. Ce culte du progrès dominant dans différentes variantes socialistes et staliniennes du marxisme tout au long du 20e siècle oublie que les forces productives ne sont pas neutres. 

    Pourtant les Manuscrits de 1844 de Marx développent l’idée que la rupture radicale de l’unité entre l’être humain et la nature est à l’origine de la vie aliénée moderne, d’où l’expression de « l’idée émancipatrice de la réunification de l’humanité et de la nature sous la forme humanisme = naturalisme »14.

    A partir de 1865-66, il découvre les problèmes de l’épuisement des sols, et la rupture métabolique entre les sociétés humaines et la nature, ce qui l’amène à écrire : « chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; [...] La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en sapant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur »15. Le progrès peut donc être destructif, l’exploitation et l’abaissement des travailleurs et de la nature résultent d’une même logique prédatrice. Cette sensibilité ne donne pas à Marx une perspective écologique d’ensemble, mais corrige les excès de la théorie du progrès.

    En guise de conclusion provisoire

    Dans une période historique où il est plus fréquent de parler de fin du monde que de fin du capitalisme, où les questions de tactique politique, voire politicienne, dominent, où la déstructuration de collectifs ouvriers et des organisations du mouvement ouvrier du 20e siècle pose la question centrale de la constitution de la classe des exploité·es et des opprimé·es en classe consciente de son rôle émancipateur, la lecture, relecture de ce texte fondamental est une véritable source d’inspiration. 

    Agir en gardant l’objectif de libérer la société toute entière de l’exploitation des oppressions donne à nos combats aux côtés des exploité·es et des opprimé·es une autre ampleur de vue, la seule qui permet d’augmenter la lucidité et donc les chances de succès.

    Patrick Le Moal

    • 1. Lénine
    • 2. K. Marx et F. Engels, Manifeste du parti communiste. Éd. Sociales, 2023, p. 105.
    • 3. Idem, p. 55.
    • 4. Idem, p. 70.
    • 5. K. Marx, Manuscrits de 1844. Éd Flammarion, 2021. 
    • 6. K. Marx et F. Engels, ibid., p. 78.
    • 7. Idem, p. 76.
    • 8. Idem, p. 67.
    • 9. Lénine, Que faire ? 1905.
    • 10. Lettre du 12 avril 1871 de Marx à Kugelmann 
    • 11. K. Marx et F. Engels, ibid., p. 67.  
    • 12. R. Luxembourg, La crise de la social-démocratie, plus connu sous le nom de Brochure de Junius, 1915.
    • 13. M. Löwy, La révolution est le frein d’urgence : Essais sur Walter Benjamin. Éd. de l’éclat, 2019.
    • 14. K. Saïto, La nature contre le capital. Éd. Syllepse, 2016.
    • 15. K. Marx, Le Capital Livre I. 1867.